LE PARTI QUÉBÉCOIS PORTE-T-IL ENCORE LE QUÉBEC DU FOND DE SES ENTRAILLES ? LE COMPLEXE QUÉBÉCOIS EXPLIQUÉ
 par Michel CLOUTIER Journal Québec-Presse QUÉBEC — Faudra-il une mise à jour du Parti Québécois jusqu'au fond de ses entrailles ? Voilà, qu'expressément désirée par l'électorat, Pauline Marois (le dernier sondage électoral accorde 40 % au PQ sous sa direction, contre 30 % à l'ADQ et 21 % aux libéraux), serait la libératrice du Québec.
Puisque les sondages ne sont en fait que la photographie immédiate des humeurs électorales, le cas de Pauline Marois n'est pas un travail d'enfantement pour ramener les troupes péquistes à la victoire. Car, le PQ, s'il est le procérateur, le producteur quoi, du nationalisme québécois depuis 1976, l'ADQ l'escorte drôlement en le devançant aujourd'hui même dans la grande représentation théâtrale de l'Assemblée nationale du Québec. La question s'impose d'elle-même : le Parti québécois porte-t-il encore le Québec du fond de ses entrailles ? Manifestement insatisfaits d'un gouvernement minoritaire, les citoyens semblent-ils prêts à composer avec Pauline Marois ? Si oui, le PQ profitera de cette opération simplifiante en balayant les libéraux qui ne seront plus qu'un grand vide noir. Et dont l'avenir sera entièrement bouché aux prochaines élections québécoises.
Signalons d'abord le cas André Boisclerc : il ne portait pas le scrupule sacré de l'homme politique. Boisclair était perdant de sa personnalité. Il ne pouvait faire l'ange comme il aurait tant voulu. Et en même temps ambitionner de gagner le coeurs du Québec profond. Son rival Mario Dumont l'a amplement réussi.
Bref, Boisclair ne pouvait pas ambitionner la spontanéité gracieuse des héros dont la personnalité envahissante va mener le bon peuple à l'indépendance politique... ou à l'autonomie. Boisclair semble plutôt fait sur mesure pour un lectorat français, français de l'hexagone.
Or, le fond des entrailles du Québec n'a pas besoin d'une personnalité impérialiste et totalitaire. Un règne sans partage. Pas de dictature en vue pour les démocrates québécois. Le fond des entrailles, on le voit, se détériore de ses meilleurs mouvements avec les libéraux sans âme, dont le port de tête contrastant est un statut quo constitutionnel, surveillé par Ottawa dans le parterre des provinces. Ce qui donne la migraine aux entrailles québécoises et provoque une rage de dents aux souverainistes durs.
Et Pauline Marois ? Elle aura beau prononcer des mots historiques dans l'univers complet de la souveraineté, rien n'indique que le bon peuple la suivra jusqu'au bout. Sauf si elle écarte du programme péquiste, la tenue obligatoire d'un référendum dès la prise du pouvoir.
Le drame social et politique est là. Les Québécois ne veulent plus loucher vers le passé. Ils affectionnent l'avenir. Mais comment ? Avec les tripes du PQ dans la tentation d'exister et d'exister dans toutes les dimensions d'un État-nation... tout en restant dans le Canada ? Avec les tripe de l'ADQ vers un impôt unique tout en réclamant la réouverture du débat constitutionnel canadien ? Une sorte de voyage dans la voie lactée, diront certains analystes.
LE COMPLEXE QUÉBÉCOIS
Il semble que l'électorat québécois, comme le peuple entier, soit resté complexé de sa propre existence. Comme si l'audition de son identité, de sa fibre, soit une perpétuelle séance de reconnaissance (!) que nous réclamons des autres nations, alors que cette audition de notre identité devrait être l'occasion d'une superbe assurance à se refaire vite une contenance pour se mettre en selle dans une sincérité absolue... et ne rien perdre de notre aplomb sur la question nationale.
Et devenir « maître chez nous », au lieu de faire le grand malade, tourné tout complexé vers Ottawa, ce Dieu-le-Père, en espérant timidement lui soutirer une partie de nos propre impôts qu'il contrôle. Grandeur de l'aumône fédérale. Ottawa, donc, qui contrôle la moitié de nos impôts jusqu'à se mirer dans la glace multiculturelle canadienne (melting-pot à l'américaine, ou le « haut-fourneau »).
LE COMPLEXE QUÉBÉCOIS EXPLIQUÉ
Les relents mélancoliques du passé historique de 1760 ne sont pas la généreuse plénitude de la vie québécoise. La défaite militaire de 1760 où la France cèdait la Nouvelle-France à l'Angleterre sous le traité de Paris de 1763, représente une strangulation de notre identité. La reddition des Français de 1760 mit fin à toute fraîcheur ingénue, heureuse et confiante de ce jeune et minuscule peuple des rives du Saint-Laurent (70 000 habitants), rameau de la France royale bientôt décapitée sous la Révolution.
À notre tour, l'angoisse de la tragédie allait nous atteindre jusqu'à nous faire du « mauvais sang » devant l'occupant anglais dont l'assimilation signait la date de notre arrêt de mort. Notre mort culturelle en tant que civilisation catholique et française, dépendait désormais de la néfaste royauté britannique. Non par simple souci, mais par esprit de conquête, par un bon usage libérateur du nouveau territoire.
L'ÉPURATION ETHNIQUE DES ACADIENS
Prévue, l'assimilation du peuple québécois, cette opération en vertu de la nouvelle et souveraine authenticité britannique, ne s'est pas infiltrée dans la plaine laurentienne.
Or, cinq ans plus tôt, la loi du tout ou rien (l'allégence refusée des Acadiens au roi George) s'était déroulée dans l'épisode raciste de la déportation massive des fermiers Acadiens (plus de 7000) ; cruelles représailles à la pointe du fusil contre le peuplement de l'Atlantique de 1755. Les plus chanceux fuyaient par les bois pour atteindre la Nouvelle-France et la capitale Québec, des mois plus tard.
Aucune protestation n'est venue de Paris pour dénoncer cette épuration ethnique, l'âme acadienne saccagée, des familles entières, grands-mères et grands-pères compris, dispersée par bateau dans le reste du monde. Et vivre de mendicité ouverte. Sordide satisfaction anglaise devant ce grand élan d'épuration criminelle aussi bien militaire que militante... Imaginez la suite avec l'arrivée enthousiaste des nouveaux propriétaires anglais, (bien sûr innocents de cette guerre militaire de la côte Est de l'Amérique), deviennent au moindre calcul d'intérêt de la Couronne britannique, les envahisseurs de ces fertiles terres françaises en célébrant leur nouvelle initiation à la vie agricole de ce qui allait devenir la province de Nouvelle-Écosse, au Canada. Drame sans nom.
Et dire que les Acadiens, dans leur cordialité fraternelle vont appeler ce noir épisode de leur histoire, le « Grand dérangement ». Comme si leur chaleureuse amitié toute pacifique envers le Canada, était secourable et secourue dans leur fête nationale du quinze août. C'est qu'ils ont retrouvé, bon an mal an, la place du pays de l'Acadie, de quoi être content et si fier d'être réinstallés dans la fécondité permanente de « leur territoire » perdu et reconquis. Aujourd'hui, ils peuplent le tiers du Nouveau-Brunswick, soit quelque 250 000 habitants.
Du côté québécois, il fallut l'invasion en marche des armées américaines sur le Québec pour qu'un geste de rédemption arrive de Londres. En repoussant avec succès l'envahisseur américain, les miliciens anglo-québécois obtinrent la bonne conscience britannique qui passa d'urgence des ténèbres à la lumière quasi libératrice : en guise de récompense pour notre loyauté à la Couronne britannique, voici que nous obtenions quelques garanties retentissantes dont l'usage de la langue française, la pratique de la religion catholique au Québec (appelé le Bas-Canada).
Il n'en fallut pas plus pour que cette bonté consciente mais forcée, et son bon mouvement, fassent revitaliser sans radotage les vertus chroniques du christianisme du haut de la chaire dans nos églises et dans nos chaumières.
L'âme québécoise reprenait ses droits devant les tribunaux désormais britanniques. En agissant ainsi dans la ruse du temps, Londres craignait trop que les « Canadiens » (nos ancêtres québécois) ne basculent dans l'armée américaine et ne chassent les Anglais pour célébrer un nouvel État américain : « The Quebec State in America »
Dans sa force d'âme catholique, l'authentique Québec devenait extensible, élastique à l'infini sur le continent américain, ses fils aventuriers, prenant pour beaucoup, le chemin de l'exil à braver le labeur en hommes de sacrifice, accompagnés de tant de prêtres missionnaires et devenant « aussi grand que possible » dans la fondation des bourgs et des villes américaines du XIXe. En dépit de cet esprit d'aventure, la conscience totale des québécois n'a jamais ignoré ses propres marques défaitistes : l'abandon de la France, sa minorisation canadienne d'une décennie à l'autre sous les vagues immigrantes au profit de l'anglais, nos « cousins » Français, restés frileusement sédentaires chez eux dans l'hexagone.
D'où ce complexe d'infériorité qui nous interdit de heurter de front le Canada anglais sur la question vitale de l'autonomie et de l'indépendance politique. Une sorte de conscience sans vertu, tout en restant « québécois » d'âme et de coeur; une conscience réductrice, tellement réductrice qu'elle s'administre indignement une forte dose de colonialisme. Cet esprit colonialiste gère des réflexes nuisibles et dégradants. C'est à nous fait perdre la face. Car nous allons de concession en concession en mettant encore aujourd'hui de l'eau dans notre vin, au sujet, par exemple, des « accomodements raisonnables » envers les immigrés, de peur de passer pour racistes. La peur nous guette !
L'esprit d'intégration à la majorité québécoise est plus inspirant et plus riche que que notre bonne volonté à supporter des moeurs étrangères en accordant socialement des droits spécifiques à des groupes ethniques. L'esprit d'intégration s'en trouve miné par des normes disjointes où deux univers impénétrables s'affrontent : la culture québécoise et la culture étrangère au gré de certains cas chez les musulmans, par exemple, dont les accomodements sont soigneusement revendiqués devant nos tribunaux grâce à la promotion de la charte canadienne des droits et libertés véhiculée par le ministère de l'Immigration canadienne. Quant au bureau de l'Immigration québécoise, il ne dispose d'aucun pouvoir réel, étant sous la tutelle canadienne.
L'ESPRIT CATHOLIQUE AFFRONTE L'ESPRIT MUSULMAN OU JUIF, SELON LE CAS
En somme, dans la cime du présent, deux esprits s'affrontent au Québec : l'esprit catholique du Québec profond et l'esprit musulman ou juif, selon le cas, de la métropole. Dès que les minorités ethniques interpellent à livre ouvert nos lois pour en tenir la balance égale en imposant socialement leurs moeurs, ils affectent l'inestimable unicité de l'esprit catholique des québécois.
C'est tellement vrai que l'effet Hérouxville, dans son esprit (et non dans la forme), est lui-même une oraison dominicale en train de défendre son identité menacée, telle une assurance sur la vie, un Pater du besoin présent dont le pain du jour se veut l'accueil et l'intégration sans heurt des immigrants à la fibre quotidienne tant québécoise, au jour le jour et à la petite semaine.
Cet esprit catholique anime encore, et plus que jamais les Québécois. Cet esprit, héritage de nos ancêtres français, ne prise guère l'artifice juridique qui cautionnerait l'esprit juif et musulman, jusqu'à rendre forfait le sapin de Noël de nos places publiques, par exemple. Les célébrations chrétiennes vont alors se déployer en éventail social, éventail de réjouissances populaires sans plus. Quel déracinement à l'horizon !
C'est pourquoi l'esprit catholique québécois ne veut pas être à la merci des « accomodements raisonnables », une gratuité (consentie) de solutions hâtives aux minorités ethniques. L'esprit catholique ne veut pas être mis en déroute et refuse le désarroi, et l'affolement inutiles.
Cet esprit catholique (même si le peuple a délaissé la pratique religieuse), est le centre même du Québec profond, c'est-à-dire la pleine civilisation de la nation québécoise, en dépit des trottoirs ethniques de la métropole au trafic plus présent qu'autrefois. D'ailleurs, un accent tonique anime ces zones urbaines... sans pour autant se laisser aspirer par le « québécois tricoté serré », puisque les relations urbaines ne sont pas toujours d'amour et de grâce entre les communautés.
En raison du complexe québécois, comment le Québec peut-il s'affranchir ? Le complexe québécois, un complexe d'importance dans sa grande fragilité, doit ne plus s'inférioriser, mais occuper en champion son espace francophone, espace unique en Amérique. En relations étroites d'avec les groupes ethniques, évidemment. Et se faire respecter, non pas en petites portions, mais à tous les niveaux. Une attitude gagnante, autant sereine que passionnée du Québec dans l'honneur de servir dans le respect, les intérêts démocratiques de la nation québécoise. Voilà l'équation harmonieuse recherchée, voilà l'évoution du pays.
Un tel esprit deviendra un solide noyau à ne se faire jamais désintégrer par des litiges migratoires qui départegeraient le Québec. Un tel esprit devient l'identité propre et normale d'une nation, celle du Québec sans complexe. À SUIVRE.
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