Justin Trudeau sera premier ministre. L’héritier qui n’avait pour lui que son nom de famille cherchera désormais à entrer dans l’histoire avec son prénom. La plupart en conviennent, il n’a manifestement pas les compétences nécessaires à ses nouvelles fonctions.
Mais l’histoire aime se moquer de nous et un troubadour gouvernera le Canada pour les prochaines années. On peut en rire ou en pleurer.
Il y a deux semaines encore, son élection semblait inconcevable. Mais l’effondrement spectaculaire du NPD a dégagé un espace qu’a su occuper le PLC. Il est devenu, pour plusieurs, la meilleure alternative à Stephen Harper.
Convenons-en, le PLC avait de profondes racines à la grandeur du Canada. Très rapidement, on risque d’assister à un changement en profondeur à Ottawa. Car les libéraux et les conservateurs ne se distinguent pas seulement par leur programme politique, mais aussi par leur philosophie. La divergence est fondamentale.
L’héritage conservateur
Qu’est-ce que les conservateurs ont cherché à faire depuis 2006 à Ottawa? À l’origine du gouvernement Harper, il y avait une double révolte, qui remonte à la fin des années 1980. Elle s’était d’abord exprimée par le Parti réformiste. C’était à la fois une révolte contre le mauvais sort fait à l’Ouest dans la politique canadienne et contre les valeurs associées aux élites progressistes du Canada central. On dénonçait aussi la place du Québec dans la politique canadienne.
Il s’agissait, en fait, d’une révolte contre la révolution menée par Pierre Trudeau contre le Canada historique, celui d’avant les années 1970. Le Canada de Trudeau, qui se prenait pour un laboratoire progressiste au service de l’humanité entière, avec ses Casques bleus, sa charte des droits, son gouvernement des juges, son multiculturalisme, était contesté dans son essence même. Les conservateurs ont cherché à le déconstruire au nom d’une autre vision du pays. À trop la caricaturer, on l’a mal comprise.
Depuis dix ans, l’administration fédérale et les tribunaux ont constamment résisté au programme de Stephen Harper. On voyait ce dernier comme un intrus à la tête de l’État, qui serait tôt ou tard éjecté d’une fonction qu’il usurpait. En un sens, ils n’ont pas tort. Si les conservateurs, depuis dix ans, contrôlaient le gouvernement, ils ne contrôlaient pas l’État. Les libéraux arrivent avec une certitude : le pouvoir leur revient de droit.
L’idéologie de Trudeau
On verra désormais en quoi le Canada du père Trudeau et celui du fils se ressembleront. À ce qu’on en sait, le premier trouve dans le second un héritier fidèle. Ils ont la même aversion maladive pour le Québec et la même hostilité de principe à la moindre reconnaissance constitutionnelle de son identité. Justin Trudeau, par ailleurs, croit presque religieusement aux vertus de la constitution de 1982. Sur plusieurs dossiers, on sentira vite la différence libérale.
Un mot sur le Bloc québécois. En début de campagne, tous annonçaient sa disparition certaine. Au moment d’écrire ces lignes, il retrouve une députation honorable sans être exceptionnelle. Il n’en demeure pas moins que les Québécois se sont donnés plus que prévu au PLC. Le peuple québécois n’a manifestement pas de mémoire politique. C’est à se demander s’il a encore un instinct de vie.