
Par MICHEL CLOUTIER  JOURNAL QUÉBEC PRESSE SAINT-TITE, QUÉBEC — Le mercredi 17 septembre 2014 Atmosphère excitante dans la mythique ville western de Saint-Tite, la route des cow-boys avec ses spectaculaires tournois de rodéos qui attirent des milliers de personnes durant les dix jours de festivités, de réjouissances familliales en ce mois de septembre de chaque année depuis 47 ans déjà.
Action, intrépidité, courage, adresse, imprévus: dans l'arène du stade bondé de monde, les audacieux et téméraires cavaliers tentent de maîtriser les étalons les plus rétifs. Ils ont du sang de cow-boy dans les veines. Venus de tous les coins du Québec et de l'Amérique entière, ils sèment un débordement d'enthousiasme fébrile chez les spectateurs. L'accueil du public se fait triomphal en ces dix tournois de rodéos, assaisonnés de jeux équestres, de concours de sciottes, de tir de chevaux lourds, etc.
Le rude métier de cow-boy à l'honneur! À l'ouverture de la grille, des taureaux sauvages dans leur fureur, désarçonnent leur cavalier et cherchent à se venger en se précipitant sur eux, tête baissée.
Ouf! Terreur des cow-boys! Certaines bêtes, les flancs tremblant de rage, font un rapide volte-face et décochent plusieurs ruades dont l'une atteint le cavalier aux jambes lorsqu'il tombe pas terre. Souffrances assurées... pour l'homme et la bête. La compétition à son meilleur! Les heureux clowns, toujours prêts, interviennent au grand plaisir de la foule pour détourner l'attention des taureaux par des parodies.
Une centaine de cavaliers (autant d'hommes que de femmes) se mesurent dans diverses épreuves dont la "course de barils", la "prise du veau au lasso" et "l'attache de la chève!".
Dans ces folles équipées, pour réussir par exemple, à ficeler un veau, il faut un cheval bien dressé qui tiendra la tension du lasso dès que le cavalier descend pour l'attacher. Aussitôt que la grille s'ouvre, le veau s'échappe dans l'arène. Le cow-boy arrive au galop par derrière, fait tournoyer son lasso, le lance dans le sillage de sa proie. Brusquement saisi au cou par le noeud coulant, l'animal s'effondre, rapidement brusqué. Le cavalier saute de cheval, attrape sa victime, la renverse et lui entrave les pattes avec trois tours de corde. La prise est jouée en dix secondes. La foule acclame son héros. Et le héros en jouit. Photo: Sylvain Mayer, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 17 septembre 2014. .
Un heureux défoulement collectif En ces dix jours de foire à la western (du 5 au 14 septembre), c'est la ruée des cow-boys, une horde impressionnante de cavaliers dont plusieurs vont devoir se risquer dans l'arène sous la frénésie des grandes foules.
Au même moment, les rues aussi grouillantes qu'encombrées, sont envahies par des centaines de cavaliers de tout âge, à pied ou à cherval, arpentant fièrement la "Grand-Rue" (Notre-Dame). Les plus démonstratifs portent d'énormes Colts et de ceinturons bourrés de (fausses) cartouches comme des héros de romans western. Amusant! Ils croisent les chariots, les charettes et les diligences. Quel heureux défoulement collectif en plein air! Dans cet extraordinaire rassemblement (plus de 400 000 personnes en dix jours de festivités, selon la police), c'est la fête dans la rue, le plus grand spectacle en plein air du genre de l'Est de l'Amérique... et en français, ma chère! avec sa musique country et western des chanteurs québécois, des vedettes millionnaires du disque, un palmarès unique au monde, méconnu dans la francophonie mondiale. En fait, Saint-Tite est le seul festival western francophone de l'Amérique...
C'est l'Amérique des cow-boys francophones
C'est l'Amérique des cow-boys francophones, la grande chevauchée de l'ère moderne. Mais ils n'ont évidemment pas la vie dure des cow-boys de l'Ouest lointain (le Far-West américain) dont c'est le métier de père en fils depuis deux siècle.
Photo: Raynald Fradette, célèbre cow-boy québécois de Saint-Lazarre-de-Bellechasse.
Photo: Journal Québec Presse par Michel Cloutier, 13 septembre 2014.
"Soyons en fiers!" s'exclamaient l'enjoué Harty Delisle, en 1986, alors président de la 19e année du festival, en entrevue avec l'auteur de ces lignes pour le quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières, Québec.
Les festivités se succèdent dans un tel tourbillon, à la fin d'une saison estivale radieuse de soleil, et l'arrivée de l'automne et du trop bref sursaut de "l'été indien" avant les grands froids et ses cinq mois d'hiver. Photo: Les diligences font un tour de piste dans l'arène du stade.: En pleine ébullition, la jeunesse dorée du temps du Western revit à même les odeurs du foin et des complaintes des cow-boys. Les artistes invités, les stars du country et du rock québécois et américains, promettent un déferlement de sons, de lumière et d'effets scéniques sur la scène du stade où vont s'entasser plus de 10 000 personnes à chaque spectacle.
Dans l'entrain, l'aventure western voit surgir des plaines de l'Ouest une bonne centaine de chevaux de race pure, en provenance du Montana, de l'Idaho et du Dakota du Sud, pour la plupart. Dans les basses-terres de la ville, les grandes écuries du "Relais du cavalier" se remplissent de chevaux fringrants tandis que le terre-plein tout autour, se transforme en un immense terrain de camping. Une petite ville dans la ville comme on le constate sur cette photo.
Quelque 3000 camping-car, des roulottes mortorisées se parquent ici et là, au gré des espaces vacants, des stationnements privés loués pour l'occasion. Se mettre dans la peau d'un cow-boy Et comment se mettre dans la peau des gars du Far-West en ces jours de liesse? Faisons donc comme l'énergique Hartey Delisle, président du Festival de 1986, portant fièrement le chapeau au larges rebords des éleveurs de troupeaux avec ses bottes aux talons hauts biseautés, et aux bouts pointus.
Photo: Gary Cooper dans le film-culte "Le train sifflera trois fois".
Un style de botte impressionnant dont l'originalité est mise en évidence dans les accessoires dorés et dessins aux multiples formes. Si vous avez le goût de l'aventure et que vous voulez imiter la jeunesse dorée du temps du western, revêtez donc votre habit et équipement de cow-boy. Puis, arpentez la Grand-Rue, écartez-vous légèrement les jambes en marchand, portez nerveusement les mains à la hauteur du Colt (révolver) imaginaire en penchant légèrement le buste en avant. Vous êtes alors prêts pour un duel à la manière des illustres et célèbres frères Dalton.
Photo: Harty Delisle, à gauche et Paul-Émile Desmarais, du comité organisateur du Festival, en 1986. Vous ferez de la paisible bourgarde de Saint-Tite où vous êtes, un nouveau Dodge City à la rude existence de ses pionniers de la Conquête de l'Ouest... et des banditos de Santa Fe au Texas. Duels de chevaux sauvages-cavaliers, et de taureaux-cavaliers Dans les coulisses du stade, tendus et nerveux avant le départ de la plus dangereuse des épreuves, certains cow-boys, pour se calmer les nerfs, chiquent. D'autres donnent de petits coups de bottes répétitifs sur la clôture pour siminuer l'état de nervosité qui les tenaille.
Photo: Site du Festival. Soudain, les haut-parleurs appellent un numéro, celui de l'épreuve de maîtrise de chevaux sauvages. Les six box étroits situés sous l'avant-scène, maintiennent les bêtes captives. Un premier cavalier, le chapeau bien enfoncé, se juche alors sur la monture d'un cheval. De sa main droite, il s'agrippe à la sangle qui ceinture la bête qui tremble de rage. L'écume sort de ses naseaux.
Au signal du brave cow-boy, aussitôt qu'il se dit prêt, la grille s'ouvre. D'un bond, le cheval sauvage se précipite dans l'arène. La foule est saisie: le cow-boy se tient d'une seule main dans des mouvements déments. Le cheval se cabre, tourne à gauche et à droite, se met à ruer puis décolle les quatre fers en l'air! Le cavalier fait des efforts inouïs pour se maintenir en selle pendant les huit secondes obligatoires. S'il réussit l'exploit, son triomphe éclate dans la clameur de la foule. S'il est violemment éjecté, la foule peut lire sur son visage, son grand désapointement.
Il arrive que pour certains numéros, les féroces bêtes se vengent et foncent tête première sur les cow-boys... et comme on le devine, les burlesques clowns détournent vite l'attention des bêtes que des cavaliers vont diriger aussitôt vers la grille des enclos extérieurs, où ils resteront parqués... jusqu'à la prochaine épreuve du lendemain. On prépare la boustifaille pour la parenté
 Photo: Les cow-boys franco-shawiniganais Jean-Paul Miara et Marie-Claude Battaglia-Miara, originaires de Paris (France), s'enthousiasment en ces heures festives. Dépaysement assuré!
Dans les chaumières, les femmes s'activent plus que jamais, sortent les grosses marmites et préparent la boustifaille. Chaudrons, casseroles, petits plats... la parenté s'en vient et les copieux repas vont se multiplier. "Nous étions 35 à la table", confiait Noëlla Girard de la rue du Moulin, en 1989, au Nouvelliste. 

"Nous assistons à une franche ambiance western", s'émeut aujourd'hui Jean-Paul Miara, aux côtés de sa compagne Marie-Claude aussi enjouée. Photo: Le couple franco-shawiniganais Jean-Paul Miara et Marie-Claude Battaglia-Miara. À leur toute première visite au festival, c'est l'étonnement, la frénésie, la chaleur humaine et le dépaysement. Les voici plongés dans l'accent pur Québec, l'accent parfois rustique, brut et chaud. L'élégance de l'esprit ne manque pas non plus chez les Québécois cultivés. "Et la ville est en ébullition", enchaîne M. Miara. Une vitalité intense L'atmosphère passionnelle devient un amusant chassé-croisé de rencontres de tout genre, de tout horizon, allant d'écrivains à lunettes venus mesurer la clameur excessive des foules aux heures de rodéos, peut-être pour alimenter leur prochain roman, qui sait!
"J'en tire une stimulation intellectuelle", se confie l'un d'eux, un Montréalais curieux de tout jusqu'à se faire faire bousculer par trop d'indiscrétion. À l'instant, s'amène au milieu de la rue une joyeuse bande de jeunes américains du Vermont, brillamment costumés en Tom Mix et ceinturés de grappes de cannettes de bière. Goûter pleinement à l'euphorie générale! "We love French Quebec!" s'exclament-ils. Ambiance fébrile. On en voit de toutes les couleurs. "Les rodéos sont très spectaculaires. C'est produit avec beaucoup de professionnalisme", de renchérir Jean-Paul Miara. Et la musique country? "Elle est d'une grande qualité."
Photo: Le "Chien chaud" remplace le "Hot-dog". Fixés aux abords des trottoirs, les marchands ambulants plantés derrières leurs comptoirs, font-ils des affaires d'or? Louer un espace commercial coûte les yeux de la tête, se plaint un bijoutier de Québec. C'est le cirque avec sa foire aux kiosques, aux frites, aux jeux d'adresse, aux bottes et chapeaux western, aux breloques, jusqu'aux superbes camions Ford 2015 exposés, valant 75 000 $ chacun. La frénésie dépensière vous attend.
AUTRES TEXTES ET PHOTOS À SUIVRE SOUS PEU Photo: Sylvain Mayer, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 17 septembre 2014.
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