L'EMPEREUR DÉCHU corruption, complot, fraude fiscale... Accurso croûle sous les chefs d'accusation
JOURNAL QUÉBEC PRESSE
MONTRÉAL — Le samedi 6 septembre 2014 — REVUE DE PRESSE LE JOURNAL DE MONTRÉAL, 300,000 exemplaires. Cliques sur:
http://www.journaldemontreal.com/ L’empereur déchu. «Le modèle» n'est pas Québécois, il est mafieux. Désolée de détonner, mais je ne trouve rien de «charmeur» chez Tony Accurso. D’inquiétant, par contre ? Ah ça, oui. Son numéro de «grand bâtisseur» du Québec Inc. ne m’émeut pas. Sa virilité et son regard d’acier, non plus. PAR JOSÉE LEGAULT, (photo), chroniqueur au Journal de Montréal, Québec. CLIQUEZ SUR:
http://blogues.journaldemontreal.com/joseelegault/ Croulant sous une kyrielle de chefs d’accusation, dont corruption, complot et fraude fiscale, l’homme a tout d’un empereur déchu de la construction et rien d’un héros national. L’économie québécoise n’a bénéficié en rien de cet écosystème de la corruption dont il est soupçonné avoir été un joueur central. Quand les fonds publics sont détournés massivement sur plusieurs années par des stratagèmes maintenant connus, l’économie souffre. PHOTO: Tony Accurso, le "Roi" de la construction au Québec dont l'empire est évalué à 1 millliard de dollars, selon l'inculpé... qui maintenant croûle sous une kyrielle de chefs d'accusation. La corruption ne «bâtit» pas. Elle déconstruit le tissu social et politique par le vol orchestré et répété du trésor public. Par leur aveuglement, les institutions en ressortent discréditées et la démocratie, ébranlée. Avant de tomber sous le charme d’un témoin vedette de la commission Charbonneau, mieux vaudrait s’en rappeler. On ne réinvente pas la roue Tony Accurso n’a rien non plus d’un grand «nationaliste». L’argent n’a pas d’odeur, d’identité ou de frontières. PHOTO: Dans les bras du premier ministre libéral Jean Charest en 2001, Tony Accurso est manifestement au coeur du pouvoir politique sous le régime du Parti libéral du Québec.
Dans l’industrie de la construction – ou de la «corruption», pour reprendre un lapsus légendaire de l’ancien premier ministre Jean Charest – le modus operandi est documenté et transnational. Partage des contrats publics entre de gros joueurs influents, création de cartels, fraude fiscale, contrôle des appels d’offres, fixation des prix, surfacturation systématique, complicité des firmes de génie-conseil, infiltration par le crime organisé, chasse au capital. Le tout nourri par un réseautage tentaculaire jusqu’aux sommets des milieux syndical, politique, financier et de la haute fonction publique. Bref, on ne réinvente pas la roue. Le «modèle» n’est pas «québécois», il est mafieux. Ici comme ailleurs, le talent des corrupteurs est d’identifier les corruptibles et de les séduire. Cadeaux, voyages, flatteries, grosses jobs au privé, népotisme, enveloppes brunes, escortes, rénovations résidentielles «gratuites», financement illégal des partis, dîners gastronomiques servis dans les salons feutrés des clubs privés ou d’un yacht privé. Pour acheter et s’attacher les corruptibles, l’important est de leur plaire, de les satisfaire et de les enrichir. Les empires ne se bâtissent pas avec des prières Les corrupteurs, les vrais, les puissants, sont tirés à quatre épingles. Ils en ont les moyens. Leurs ongles sont manucurés, leurs sourcils bien taillés, leurs complets impeccables et leur charisme, irrésistible. Ce faisant, ils sont à l’aise partout où le pouvoir et les contrats publics se rencontrent – parlements, hôtels de ville, cocktails de financement des partis, loges ou clubs privés, parties de pêche ou voyages en yacht. Magnats de la pépine ou mafiosi? «Chums» ou complices? Fonds publics ou profits privés? Élus du peuple ou donneurs d’ouvrage? Tout finit par se confondre quand la corruption devient systémique. Devant ceux qui leur tiennent tête, les corrupteurs changent toutefois de visage. Le charisme devient intimidation et parfois, violence. Âmes sensibles s’abstenir. Que la corruption se fasse cadeau ou menace, ses empires ne se bâtissent pas avec des prières. Le charme des empereurs, même déchus, n’est que manipulation. L’important est d’y résister.
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