ÉDITORIAL — MICHEL CLOUTIER     

LA DICTÉE DU MENSONGE 

JOURNAL QUÉBEC PRESSE

Michel Cloutier,

Éditeur-fondateur du Journal Québec Presse, Montréal, Paris, Washington

MONTRÉAL, QUÉBEC, le mardi 17 juin 2014l

   QUAND LA VÉRITÉ A TOUS LES DROITS  

...et pourtant, dans tous les cas aggravants, sujets aux allégations publiques, qu'elles soient judiciairisées ou pas, on constate sans peine que la culture du mensonge prend tous les droits. Sans timidité aucune dans la galerie des menteurs, enveloppés qu'ils sont des pieds à la tête dans la falsification des preuves.

C'est la dictée du mensonge

La variété perverse couvre autant le monde politique que les grandes firmes liées aux contrats alléchants des travaux d'infrastructures gouvernementales. Des milliards en jeu au seul ministère des Transports. C'est tout dire, des ingénieurs et la mafia italienne montréalaise en option massive dans l'octroi des contrats.

La corruption se fabrique des consciences ratatinées

Au Québec comme ailleurs sur la planète, la corruption se fabrique des consciences ratatinées. Âprement, sans âme. La lâcheté, l'hypocrisie, la vanité, l'envie des gains malhonnêtes à coups de millions sur le dos des contribuables méprisés, et la mesquinerie comprise. Tout cela s'affiche ouvertement, autant chez des témoins-clés défilant depuis des mois à la Commission Charbonneau (de Montréal) que dans l'ensemble de la classe politique, notamment libérale et dont la puissante durée de vie pratique des brèches dans les sociétés d'État en plaçant systématiquement ses hommes à des postes-clés... au profit, bien sûr, de ce parti. Idem pour le PQ.

Honneur à la vérité

On en sort bien-portants, sans accusation pour l'instant, sauf des cas flagrants dont  certains sacrifiés assombris qui, repentants —ou par vengeance— passant aux aveux chez des entrepreneurs en travaux publics, ont créé assez de forces opposées aux mensonges habilement dictés, qu'ils font désormais honneur à la vérité, d'ailleurs corroborée par d'autres témoins au coeur du scandale, dramatisé en feuilleton quotidien au petit écran.

Les menteurs? Des amoureux du pouvoir et de l'argent

Les menteurs? Ce sont des amoureux du pouvoir et de l'argent... et non du genre humain. Richesse oblige. On tribuche, on glisse et on culbute non par ignorance, mais sciemment, sans regret ni scrupule. Froidement entraîné par le courant le plus fort, celui de la collusion diabolique entre des firmes d'ingénieurs, provoquant des surplus éclatés de 30 millions$ au moins; puis le "club sélect" d'Hydro-Québec où la Société d'État remerciait les firmes de génie qui se montraient généreuses avec les partis politiques en leur offrant des contrats publics majeurs, révélera un ancien ingénieur devant la Commission Charbonneau.

Prise dans le courant politique, Hydro-Québec semblait créer ainsi une lutte du pouvoir entre péquistes et libéraux apparamment corrompus, mais désormais attaqués de front par la CAQ, le nouveau parti "vierge" de François Legault. Il vient d'infliger une profonde fissure de conscience au sein du mouvement souverainiste.

La CAQ, bête noire du PQ et de la souveraineté

Sans confusion, la CAQ devient la bête noire du PQ à tous les degrés d'âges des électeurs francophones.

Dans son match, la CAQ se donne une conscience neuve. Et c'est à tous les degrés des fautes vénielles en miroitant, sans péril, une surface lisse, sans débats sociaux. L'indépendance? "On verra dans dix ans!", avise Legault. Tout comme les Libéraux québécois, sagement laminés par le Canada, de concert avec le multiculturalisme impersonnel canadien. Rien de commun, mais il faut faire avec.

Une clairvoyance toute anglaise qui "pense" le Canada à sa manière (c'est tout naturel), mais qui équivaut à une sécheresse de l'âme québécoise. Une marque de commerce sans drame où 90% des canadiens-anglais n'écoutent que la télé américaine. C'est chronique devant le Québec, sa société distincte où 95% des citoyens n'écoutent que la télé québécoise francophone; un Québec jouant aux automates sous l'élection des Libéraux de Philippe Couillard. Un Québec qui ne projette même plus son ombre malgré son visage différent, son espace francophone que voici en suspension momentanée. Jusqu'à ce que le PQ reprenne le pouvoir. Rien n'est sûr. Évidemment, rien de fautif, que des peccadilles pour les électeurs libéraux. Ils jubilent de leur victoire écrasante sur le PQ. C'est de bonne guerre.

L'espace francophone d'Amérique

 Le Bloc québécois (comme le PQ) tentera bien de réanimer cet espace francophone unique en Amérique. C'est tout l'exercice de la conscience souverainiste. Lise Bissonnette n'a-t-elle pas déjà écrit: "Le Canada est un pays artificiel". Sans fibre aucune, sauf sa rebelle province francophone, aux couloirs tortueux, politiquement ambivalents où la coupure politique ne passe pas encore entre les deux "peuples fondateurs". Tourner le dos au Canada anglais, vouloir déchirer le Canada. Voilà une action néfaste qui écartèle les esprits, diront les adversaires de l'indépendance, la conscience aussi tourmentée que leurs compatriotes du "Oui". Mais ce duel Québec-Canada réclame encore un chef québécois charismatique. Un chef d'exception. Où est-il? Rien en vue pour l'instant.

Et pourtant, le Québec a le droit, sinon le devoir de découper démocratiquement sa finitude au grand soleil de l'indépendance. Sa liberté ouverte, sans l'entrave du Canada sur le monde.

Le Québec programmé à disparaître dans le Canada

En fait, qu'on le veuille ou non, le Québec est programmé à disparaître tout doucement au fil des décennies dans le grand tout anglo-multiculturel canadien. On s'en fout? Le confort et l'indifférence sont à l'oeuvre. D'abord, le poids démographique diminue, n'étant plus qu'à 22% de francophones au Canada. Des échecs partout (malgré des noyaux de résistance culturelle) où nos compatriotes francophones des autres provinces, par exemple, doivent s'adresser à la Cour suprême du Canada pour tenter d'obtenir des droits scolaires, farouchement refusés par les provinces unilingues anglaises. La survie de la langue de Vigneault passe par l'école. Sinon, l'assimilation ravage tout... Est-on perdant à rester dans le Canada? Pourquoi s'en faire! Couillard entend bilinguiser nos écoliers de 6e année par des matières enseignées en anglais...à  même les régions unilingues francophones. Alors où vont-ils pratiquer leur anglais pour le conserver? Ils vont oublier, assurément. Et Couillard ferme les yeux. Un mensonge de plus. Il devrait plutôt s'attaquer d'urgence à la pauvreté linguistique de nos jeunes en accordant des primes à l'excellence. 

Où se retrouve le mensonge?

Où se retouvre le mensonge? Où sont les menteurs? Qui sont-ils? Ils se retrouvent notamment chez les partis fédéralistes soutenus par la haute-finance anglo-canadienne, de mèche, notamment avec l'empire Desmarais dont feu Paul Desmarais, ce franco-ontarien d'origine. "Si le Québec se sépare, il va disparaître", avait osé lancer ce milliardaire sans scrupule, un mensonge officiel en état de crise sous une conscience affolée, paniquée lors du référendum de 1995. Prenait-il le peuple québécois pour des cons? Quelle honte nationale pour ce grand homme d'affaires!

Et pourtant, son superbe ami, l'illustre  Nicolas Sarkozy (hostile au Québec libre), dont la campagne présidentielle fut financée par Desmarais, le couvrit d'honneurs à l'Éysée, en l'épinglant de la Légion. Un retour d'ascenseur sous les projecteurs, mariage consommé du pouvoir financier canadien au pouvoir politique français. Une belle farce historique envers la France immortelle et tous ses médaillés! Que valent-t-elles ces médailles aujourd'hui? Qu'en disent les historiens? Et la dictée du mensonge? Elle suit la rotation de la terre en modifiant le destin des peuples. Voyez le Brésil et sa coupe du monde de soccer: un pays vicéralement corrompu par ses politiciens. Et le belliqueux Poutine à Moscou? Aussi pire! Sa police secrète aux réseaux impénétrables, fait la loi et l'ordre comme au temps des communistes.

Les éruptions du mensonge endorment les peuples. Un mal incurable.

Le multiculturalisme trace le mensonge d'État

"Dogme de l'État canadien depuis plus de 40 ans sous Trudeau (1), le multiculturalisme fut promulgué par les Libéraux pour dissoudre, sinon annuler la conception des deux peuples fondateurs —francophone et anglophone—, mais devenus trois peuples avec l'ajout des Premières Nations, les autochtones.

Plus que dangereuse, cette orientation manifestement traîtresse et dévastatrice de la fragile société francophone québécoise, "fait de la société canadienne une mosaïque de communautés aux intérêts disparates, décomposant au passage le nationalisme québécois." Confusion des valeurs?

Le concept des deux peuples fondateurs évacué

Ici même, les traces du mensonge d'État évacuent le concept des "deux peuples fondateurs" de l'histoire du Canada, pour engendrer le multiculturalisme, ce lieu de passage aux immigrants du monde entier, mais dont le retentissement provocateur fait du Québec, une simple région linguistique (encore) majoritairement francophone et porteuse d'un destin misérablement réducteur, car passivement folklorique.

La promotion de l'unité canadienne s'expose ainsi au mensonge historique, un mensonge offensant pour l'État-nation québécois dont la marge de liberté, si restreinte pour ne pas dire carrément fermée au sein du Canada envers les forums diplomatiques internationaux, ne peut donner prise sur son destin souverainiste, un destin légitime étant, dans le Canada, par défaut le seul État-nation francophone d'Amérique. Bien entendu, tout esprit fédéraliste n'endosse guère cette lecture de l'histoire. Ennuyé, il la rejette carrément du fait qu'elle sème le trouble au sein de l'unité canadienne, ne sachant pas toutefois que cette sacrée unité est un appât mortel pour l'identité québécoise, à fleur d'existence dans cette immense Amérique anglophone. 

Or, ce mensonge d'État se poursuit de plus belle sous l'actuel Gouvernement conservateur Harper. Tel un cercle magique, Harper "essaie de recoudre l'identité canadienne, par exemple en remettant la monarchie à l'ordre du jour, en réinstaurant le mot « royal » dans les corps d'armée et en commémorant la guerre de 1812.

Cette célèbre bataille, dans sa vision fourvoyée toute canadienne-anglaise, se prive des héros québécois (canadiens-français de l'époque). Nos héros deviennent des combattants marginaux. Une machination. Que voulez-vous! Le mensonge tire du canon, fait déguerpir nos compatriotes du champ de bataille. Et 1812 s'éclaire d'un jour nouveau, décidé par un Harper capable d'entraîner l'histoire à coups de millions de dollars en scénarios trompeurs. Pour tout dire, les grands historiens québécois ne supportent pas ces faussetés qui finissent par s'effondrer d'elles-mêmes sous leur analyse. Que voulez-vous! Deux solitudes, deux analyses.    

(1) D'après l'analyse de Caroline Morgan, traductrice, dont le brillant texte a paru dans La Presse de Montréal, du 18 octobre. 

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Sans surprise, votre éditorial tombe dans le mille. Je ne regarde que la télé américaine, même si je suis franco-ontarien. Paradoxalement, je suis fier d'être Canadien... comme tout le monde ici. Est-ce se mentir? Je comprends les Québécois, je serais indépendantiste si je vivais à Montréal.

De Vienne, Autriche, Wilhelm Eckermann écrit:

 Avec ma femme, avons visiter (sic) Montreal et Toronto, l'été dernier. Il est vrai que le Québec est une (sic) autre Canada, non pas celui de Toronto, mais d'un Canada francophone plus expressive (sic), plus chaleureux. Si le Québec doit se séparer pour survivre dans son espace francophone comme vous l'écrivez, nous sommes de tout coeur avec votre peuple.