L'OUEST AMÉRICAIN :
LA PERCÉE QUÉBÉCOISE D'ABORD
Nos pionniers  sont la partie intégrante du continent
 par Michel Cloutier Journal Québec-Presse COEUR D'ALENE, IDAHO, ÉTATS-UNIS (JQP) — Bien longtemps avant le passage obligé vers l'Ouest, des Américains Lewis et Clark en 1804, les coureurs des bois et tant d'aventuriers, de traiteurs libres, suivis des missionnaires, alors appelés « Canadiens, Canadiens-français, Français ou Frenchmen », étaient tous des fils de la Vallée du Saint-Laurent, ou presque.
Ancêtres des Québécois d'aujourd'hui, ces premiers blancs, fascinés par les horizons sans fin, étaient dans leur endurante percée, le prolongement de la civilisation catholique et française en cette Amérique, depuis Québec.
L'Empire français d'Amérique jetait ainsi sa semence en terre. Ses acteurs consentirent à tous les maux, les bras tendus, soulevant la misère en éprouvant le destin au coût de l'effort, de la bonne fatigue, de l'épuisement et même de leur vie.
Rien de déroutant ni de trou noir (hormis les trahisons) dans l'exploration fertilisante de ces héros de la vie dont la seule affirmation vraiment constructive suivait le cours exploratoire des eaux intérieures de la Belle-Rivière (Ohio), du Missisispi, du Missouri pour atteindre sans s'échouer la rivière Platte des grands plateaux. En intrus ou pas, il va de soi, ils font honneur à la nature, volontairement initiés dans un appétit d'aventure, et sans répit au tournant de chaque matin où parfois les flèches indiennes se pointent sur eux. Violence guerrière matinale à brandir leur héroïsme pour survivre. Il faudra une grâce miraculeuse pour éviter ces flèches qui feront partie intégrante de leur vie. Le miracle ? l'intégration en douce aux clans Sioux, Corbeaux, Pieds-noirs, Nez-percés et la suite des bandes rivales. Une seconde nature chez ces francophones, prêts pour un croisement de race, inaugurant ainsi une vie nouvelle d'enfants métisssés.
Les Anglais de la Côte-Est couperont court à ce mode de vie authentique en manoeuvrant leurs forces militaires à faire tomber le Grand Manitou dont le cycle millénaire va connaître ses pires tribulations existentielles. Effets dramatiques des peuples autochtones avec la perte de leurs terres et la mise en « réserves » de leurs populations dans un héroïque vertige du sacrifice.
Épuration ethnique des Américains. Photos : chez les Nez-Percés
Ce que les Français (Québécois) n'auraient jamais tenté. Ils ne voyaient aucun inconvénient à s'intégrer ou intégrer leurs alliés indiens. Aucune laideur esthétique à les marier. Les forces de l'alliance franco-indienne étaient une machine qui roule. Pour la progéniture contagieuse. Et pour améliorer le rendement autant social que militaire, puisque l'oeil du missionnaire catholique était un temps fécond de croissance spirituelle, de conversion au christianisme et d'évangélisation officielle des « sauvages » au nom de la royauté française très catholique.
Ainsi se préparait le salut à l'infaillible évolution spirituelle des âmes dans la durée intensive des conversions baptismales. Le monde ne marche pas tout seul, encore moins chez les découvreurs de l'Amérique. Les lois naturelles se labourent à même l'Évangile de Jésus-Christ. Voilà la dimension naturelle de l'esprit catholique de l'époque à se laisser opérer par les vertus de l'Église, au vin toujours nouveau, à ne jamais prendre de l'âge. Pour l'instant, en ce XVIIIe siècle, les militaires « québécois » du Roi de France cartographient le territoire au nom du Roi. L'explorateur Chevalier de La Vérendrye s'y met dans des moments successifs, jusqu'à la ville de Pierre, dans le Dakota du Sud. Dans cette pure temporalité où la frénésie des grands espaces se laisse opérer dans un labeur ingras, il laisse, avec ses compagnons, sa marque sur une plaque qu'il grave en 1743 avec l'inscription chargée d'événements : « Je posai sur une éminence, près du fort, une plaque de plomb aux armes et inscriptions du Roy ». Ce qui signale la prise de possession de ce territoire au nom de la France royale.
L'EXPÉDITION AMÉRICAINE
Les historiens américains (et mêmes français) font peu de cas de la présence française (québécoise) dans l'exploration de l'Ouest. Comme si l'événement historique était des heures perdues à économiser. Nous revoyons donc modestement l'histoire pour la corriger avec le retentissement légitime, quitte à chatouiller ou crisper l'égo de ces docteurs intouchables de l'Histoire américaine. 
Dans le cours officiel du tempo exploratoire de l'Ouest de Lewis et Clark de 1804, au nom de la jeune République américaine, voilà que sous leurs yeux méfiants, se découvre et s'accélère sans qu'ils ne le sachent, l'histoire même de l'enfantement de cet Empire français (version ouest) jamais foulé par eux. En pénétrant patiemment le nouveau territoire américain de l'ex-Louisiane de Napoléon Bonaparte, l'expédition (une centaine d'hommes dont la moitié québécois), va affronter les premières tribus indiennes de la rivière Missouri. Certains « Frenchmen » de l'expédition entrent en scène, apprivoisent leurs vis-à-vis en parlant leur dialecte. Ce qui endosse une confiance sereine. Mais on évite de triompher bruyamment. Pas question de défier le sort. Sans cet atout de la maîtrise de la langue indienne, jamais l'expédition scientifique n'aurait pu survivre durant les deux années qu'elle dura.
Puisque le courage est nécessaire pour braver l'assaut des bandes indiennes, ces aventuriers, qu'ils soient québécois ou américains, doivent violenter leurs réflexes naturels. Ils ne sont pas sans joie ni sans génie. Ils ont de l'instinct ; cet instinct vital qui est une élévation prodigieuse de rendement chez les éclaireurs. Est-ce par amour de l'effort ? Certes, avec l'appât du gain, sans oublier la valorisation de leur personne dans ce coûteux sacrifice plaqué d'obstacles.
Ce qui allège l'expédition si pesamment laborieuse. PIERRE CRUZATTE, VIOLONNEUX DES PLAINES
Et le sublime de la légende les attendent au rythme nocturne du violonneux Pierre Cruzatte, le pied tapageur. Gigue envoûtante. Ses compagnons chantent des airs bien québécois sous le regard abasourdi des Indiens autour du feu. Rien de sordide ni de morose. Rien d'abrutissant à se replier ainsi, le temps bien mérité d'une pause devant l'enjeu considérable à vous appeurer sous les horizons sans fin des plaines nostalgiques.
Une pensée sanctifiante leur traverse l'esprit pour y trouver quelque grandeur à leur défi. N'oublions pas que nous sommes à l'époque des prouesses, des gageures et de la foi en Dieu. Ce qui retient l'épopée à la rendre plus attirante dans sa pointe humaine et spirituelle.
Aucun temps vide ou mort, les pistes devant eux sont déjà fréquentées d'une rivière à l'autre et portent des noms français. Comme la « Rochejaune », devenu la Yellowstone. Conséquemment, le vent en poupe, les pionniers québécois sont la partie intégrante du continent. Au même titre que tous les autres découvreurs.
Tout leur souriait et tout allait trop bien. Mais hélas ! trop vite à les faire trembler devant la massive présence militaire anglaise qui devait comme la foudre les balayer de l'Amérique dès 1760. Une réussite, une conquête presque complète, sauf le défi persistant du Québec, ce fragile État-nation francophone, le seul en Amérique. À jeter tous ses feux dans l'épreuve du destin national dont la quête d'autonomie ou d'autodétermination n'est guère un bonheur caché, puisque De Gaulle s'est chargé avec fracas de lancer au monde entier son célèbre cri du balcon de l'Hôtel de ville de Montréal en 1967.
En fait, « la France aura préféré Versailles à l'Amérique », dira l'historien québécois Lionel Groulx.
Parmi les noms francophones que l'histoire retient, la carte routière américaine en signale un nombre appréciable : Portage des Sioux, Marais temps clair, Crève-Coeur, Rivière Malheur, Prairie-du-Chien, Marais des Cygnes, Fort de Chartre, Eau Claire Coeur D'Alene, Platte River, Traverse City, Belle-Fourche, Cache la Poche, Pend'D'oreilles, St. Croix River, etc.
Parmi tant de publications, on peu consulter l'ouvrage « America » de Denis Vaugeois, au Septentrion, Québec 2002. Le site web est : www.septentrion.qc.ca
Puis, la revue d'histoire « Ouest lointain », unique en son genre. Le seul périodique consacré aux pionniers canadiens-français de l'Ouest américain.
Édité par René Bergeron : http://pages.infinit.net/ouest ou encore : r_bergeron@videotron.ca
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