|
LES PROCÈS À L'ÉCOLE: 
QUAND LA CONSCIENCE MODERNE
SERT DE TREMPLIN PÉDAGOGIQUE
à l'École secondaire Le Prélude de Mascouche
par Michel CLOUTIER QUÉBEC-PRESSE MASCOUCHE, QUÉBEC — Quand le sentiment tragique de l'existence dans toute sa barbarie prend le chemin des grands procès, voici que les étudiants (en 5e secondaire) de l'École secondaire « Le Prélude » de Mascouche, plongent dans le chaos en dressant froidement leurs plaidoiries à la manière des avocats aguerris dans la divergence des opinions de la poursuite et de la défense. Les notes de classe attendues, signaleront leur performance.
«Ce n'est pas du théâtre, c'est un tribunal pénal international ! » prévient l'enseignante Carole Poitras, en réclamant le silence absolu des élèves qui, dans la salle de la bibliothèque convertie en ce tribunal pénal international (formé de quatre juges), se mettent à applaudir la conclusion du tout premier débat sur l'épineuse question de la présence controversée des soldats canadiens en Afghanistan. Le pour et le contre s'affrontent chez les plaideurs bien-portants, sévèrement revêtus de la toge noire des tribunaux.
PHOTO : Carole Poitras, professeur de français et instigatrice de la tenue de ces procès, en compagnie de Johanne Robitaille, directrice de l'École secondaire publique » Le Prélude » de Mascouche.
ME STÉPHANE BOURGON L'essence même du tragique dans toute son horreur et dans toute son étendue à travers ces années-ci au Darfour, en Tchétchénie et en Sierra Leone notamment, est donc exprimée par ces adolescents plaideurs... le ton assurément juvénile, purement vertueux et sans malice... parfois théâtral au besoin. Sur ce fond de voix candides, les stigmates de la méchanceté humaine apparaissent dans les faits atroces qui font événement. Contraste saisissant entre le bon terrain scolaire et le mauvais terrain social.
Cet exercice d'une authenticité brûlante, devient un tremplin pédagogique innovateur puisque les étudiants, au coeur des enjeux de la planète, sont appelés à maîtriser l'argumentaire tout en pratiquant l'art oratoire en livrant leur opinion devant un auditoire de leur âge, mais sous le regard sérieux de quatre juges adultes.
Dans le drame de l'histoire, la conscience moderne pèse lourd dans la bouche de ces adolescents dont l'apprentissange de la vie connaît ainsi l'état volcanique de l'histoire du monde dans ses misères humaines. Quelle leçon en puissance !
Parmi les juges, Me Stéphane Bourgon, justement avocat de la défense au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye aux Pays-Bas, a interrogé certains plaideurs pour qu'ils précisent clairement leur pensée, par exemple sur le Darfour. — Y-a-t-il un génocide au Darfour ? — Non, Me Bourgon, c'est un crime humanitaire qui sévit sous une crise politique et économique », soutient en défense, une élève-plaideur d'origine Haïtienne.
En fait, les deux heures de plaidoiries ont laissé notamment éclater la conscience tourmentée, lacérée, écartelée de l'accusé Charles Taylor, Américain d'origine, auteur présumé de crimes contre l'humanité au Sierra Leone. Le mal pousse dans tous les sens. L'auditoire apprend le sacrifice absolu de tant de citoyens égorgés, la détresse des peuples, le goût du malheur des bourreaux en passant par la présumée complice américaine de la CIA, mêlée soutient-on aux intérêts corporatistes étatsuniens dans le trafic illégal de l'or du Sierra Leone. Fatal destin de tout un monde souterrain, à vouloir entre la vertu et le vice, s'attribuer tout le mérite des belles actions. Où loge alors la corruption ? Les plaidoiries très renseignées des étudiants devenaient une lutte active à la lumière des arguments. C'était à se regarder jusqu'au fond de l'âme dans cette nouvelle manière de réfléchir sur le destin de l'humanité aux passions maladives.
PHOTO : Me Stéphane Bourgon, avocat de renom international.
Heureusement la jeunesse oublie vite les extrêmes tensions. Elle n'est jamais figée dans le passé, encore moins dans le présent. La jeuness est le mouvement du coeur vers « sa » destinée propre. 
LES JUGES DU TRIBUNAL : Me Stéphane Bourgon, Lionel Plouffe, professeur retraité, Sylvain Desjardins de Radio-Canada, Johanne Robitaille, directrice de l'école secondaire « Le Prélude ».
Pour Sylvain Desjardins, journaliste des grands événements et animateur à la radio de Radio-Canada, il en est sa première participation comme juge à ce tribunal. Il se dit fasciné de voir des étudiants de cinquième secondaire s'intéresser à ces grandes questions et qui développent une réflexion sur les grands problèmes internationaux.
«Ce sont de grandes questions d'adultes et on les prépare à réfléchir à ça. Pour moi déjà, c'est fantastique. Comme j'ai eu à couvrir ces conflits-là comme journaliste, c'est un juste retour public, pour la société publique pour laquelle je travaille, de venir ici dans une école publique et peut-être contribuer d'une manière ou d'une autre avec ma petite expérience à faire avancer cette réflexion-là. »
Pour sa part, Lionel Plouffe, professeur à la retraite de cette école, il retient l'aspect pédadogique. « C'est ma formation de base, je n'ai pas d'expertise comme avocat, mais j'ai enseigné en informatique, en français et beaucoup d'autres matières. Ce que je retiens, c'est l'effort que ces jeunes-là doivent faire pour préparer leurs plaidoiries. »
Et d'ajouter : « Que par ce biais-là (des procès) on puisse sensibiliser ces jeunes-là à une réalité mondiale. Ils la voient à travers des journaux, des médias mais dans le fond il faut aussi qu'ils soient capables de porter unm jugement sur cette situation-là. Et cela demande du travail pédagogique d'organisation... »
De son côté, Me Stéphane Bourgon rappelle la grande question qui se pose au Québec: celle de l'éducation aujourd'hui. « C'est un sujet d'actualité. Or, quand je vois cette initiative-là (de l'école publique Le Prélude ) où on va marier une classe de français avec des sujets d'actualité à l'internationale comme ça, et de donner l'opportunité aux étudiants, bien je pense que c'est le genre d'initiative sur lequel on peut bâtir et trouver des solutions pour l'éducation au Québec. »
Quant à Johanne Robitaille, directrice de l'école, elle ne peut que se réjouir de cette offensive pédagogique, la qualifiant de très formatrice. D'ailleurs ce modèle déterminant est d'évidence repris ailleurs dans d'autres écoles du Québec. L'initiative fait également honneur au professeur de français Carole Poitras qui introduisit ces tenues de procès voilà plusieurs années.
LA GALERIE DES PHOTOS À venir


Me Stéphane Bourgon

Né à Montréal, Sylvain Desjardins a obtenu un baccalauréat en communications (journalisme) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en 1981. Il a entrepris sa carrière à Radio-Canada en 1983, comme rédacteur pour la télévision et la radio, à Montréal. De 1984 à 1988, il travaille comme journaliste aux nouvelles et aux affaires publiques télé, à la station locale de Toronto. Après quelques années dans le secteur privé, il revient à Radio-Canada en 1994, comme journaliste radio à Dimanche-Magazine, à Montréal, poste qu’il occupe actuellement.
Dans le cadre de ses affectations, Sylvain s’est rendu, entre autres, en Russie, au Vietnam, en Afrique du Sud, au Kosovo et aux États-Unis, où il a couvert les campagnes électorales. En 1995, Sylvain Desjardins a obtenu le prix Judith-Jasmin, de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, pour une série de reportages sur la montée de la droite religieuse aux États-Unis.
|