 Le fabuleux
Ovila Déziel
"Jai fait danser tout le village
et je savais que c'était péché"
Photo: Âgé de 90 ans, en 1977
L'histoire vivante du Québec profond
Michel CLOUTIER
 Éditeur, fondateur, Journal Québec Presse SAINT-MATTHIEU-DU-PARC (Mauricie) QUÉBEC — Le mardi 30 mars 2010
Le Québec profond? Le voici dans ce personnage authentique, Ovila Déziel, le "bossu" et violoneux du village de Saint-Matthieu, à briller dans tous ses états d'âme à la une du Journal Québec Presse.
Notre devoir d'historien de cet État-nation québécois, le seul État francophone de l'Amérique, se traduit comme un manuel de piété mettant en lumière l'esprit catholique qui règne partout dans ce Québec, autant du siècle dernier que depuis les débuts de la colonisation catholique et française en Amérique du Nord.
Photo: Ovila Déziel, âgé de 90 ans en 1977. Les confidences du célèbre "bossu", violoneux de son métier, éclatent sur le balcon de la maison de bois familiale. Photo prise par Michel Cloutier, au moment où le pionnnier sortait du jardin pour préparer son souper.
Nous sommes à l'heure bien installée des état de l'âme chrétienne en instance de salut, d'un village à l'autre du pays dans l'harmonie optimiste —non païenne— des hommes et des femmes de devoir.
Ils entrent dans le Présent de Dieu
Ils éprouvent de la pudeur, du respect, de l'espérance, de la patience, de la foi et du repentir. Leur société, loin de l'égoïsme, est une grâce élective. Dieu entre dans leur vie parce qu'ils entrent dans le Présent de Dieu. Angoisse et tremblement n'agitent personne.
 Une vie heureuse parce que vertueuse en ce temps d'épreuves multiples où le Québec des campagnes est fixé à la Croix du chemin; cette vie, cette effort moral dans cette quête à la fois de Dieu et de la survie, quête militante, affairée de gestes quotidiens aux assauts des forêts à se faire bûcheron en saison hivernale.
Ne perdant jamais leur tranquilité dominicale, voilà l'heureuse équation de leur existence dont la récompense espérée et bien entretenue par les curés du haut de la chaire, s'ouvre sur la béatitude éternelle du Paradis à la fin de leurs jours... contre la monstruosité d'une peine éternelle.
S'accomplie ainsi, dans cette disposition de l'âme, la glorification des héros anonymes de la terre québécoise, terre soumise aux sévères tensions de l'effort quotidien.
Besognes et prouesses se côtoient pour accumuler l'héritage victorieux d'une terre affranchie, enfin productive et généreuse, allégeant le joug du travail qui pèse sur les épaules.
Ce qui permet l'aisance et le relâchement des anciens combattants de la terre, ces vieillards dans l'ordre de la Grâce devenue cet ornement de leur sagesse, auréole de leur beauté intérieure, à même leur visage ridé, détendu à vivre de leurs rentes chez les plus "chanceux".
L'entrée des grands bois
Cela va plus vite qu'une discussion: s'un rire sec, le vieux Ovila Déziel, le plus poignant des personnages du village de Saint-Matthieu, en Mauricie, a de quoi vous envoûter, il semble prêt à partir à fond de train, le coeur contracté, à travers l'histoire hantée de Saint-Matthieu.
Nous croirions qu'il va ouvrir d'un seul coup de pied, la porte grinchante de sa cuisine pour aller s'écrier, railleur dans la splendeur des sapins:
— Saint-Matthieu! Saint-Matthieu! J'ai fait danser tout le village. Je savais que c'était péché!
Les bras démesurément longs, Ovila nous taille des images en virtuose, une étreinte pure de gestes conquérants qui se ruent dans la liberté effrayante des rigodons.
Photo: En 1977, Ovila s'applique dans un rigodon au grand plaisir de l'intervieweur Michel Cloutier.
Le passé en est densément rempli. Des gestes tremblants, moqueurs qui frappent vite à faire gronder les images féroces dans le grand ciel du village et des rangs (chemins de terre) : L'entrée des grands bois, dira l'un de ses curés, l'abbé Gilbert Larue dans une langue plutôt assouplissante mais tellement ferme et directe à pousser lui aussi des gestes emportés de chef d'orchestre dans les tourments de l'histoire locale.
Resté célibataire absolu, le légendaire Ovila Déziel n'est pas encore un tombeau en ses quatre-vingt-dix ans. Ayant une vision directe sur les vérités du passé aux audaces nécessaires, il prend à témoin son terrible violon. C'est le dernier mot. Il le confie à l'avenir, à tout ce que la vie contient d'immortel.
Photo: Ovila Déziel chez lui.
Un hymne saisissant, au secours du désespoir qui grandit avec la puissance du rythme, emportant à coup sûr notre âme qui ne peut s'éteindre.
La cohérence atteint les cimes de l'esprit, même dans le plus pur des silences, lorsque ce vénérable violoneux se replie sourdement, le visage assombri dans les profondeurs nostalgiques de son être.
Les vents du nord semblent tourbillonner en lui, entraînant ses souvenirs crépitants dans un perpétuel échange de lutte et de misère himaines.
Imprégné de survie, il se renouvelle dans les entrelacements de prières fortifiantes. Une poursuite incessante de Dieu. En ce temps-là, les pionniers éclataient dans la prière. Aujourd'hui nous dioaloguons au grand jour.
Le passé est clair, cristalisé, une sainte crainte de Dieu dans la piété. Une pastorale de la peur. Elle tourne à la joie, aujourd'hui, cette pastorale.
— La prière était spontanée, simple, non compliquée. Elle était vraie, remarque l'ancien curé Gilbert Larue.
Dans cette transparence, le p'tit catéchissse fait la force de la prière. On l'apprend par coeur, dès la première communion. On marchait au catéchisse durant quarante jours.
Comment s'en étonner?
Le sentiment lourd de la culpabilité palpite et démine en sauveur leur foi chrétienne à travers la violence quotidienne, les épreuves de toutes sortes. Elles sont repoussées avec tant de sûreté et d'héroïsme.
Au flanc de leur croyance, un air de scruple toujours présent agite les esprits. En fait, on se fait scrupule de tout. N'allons rien broyer de leurs traits en rafale puisque ces pionniers sont demeurés de vigoureux moqueurs avec un fond de méfiance fraîche.
  
Photos, 1977: le père Jean-Paul Jobin brandit la petite croix de bois mémorable dans son homélie qui rappelle les vertus du centenaire du village. L'émouvant Onézine Déziel, violoneux du village, se laisse aussi protpgtaphier pour l'Histoire.
La foi, c'est la fidélité en première ligne pour que s'élèvent les fabuleuses fortures de l'âme
Ce beau ciel sans monotonie surgit à nous jeter tous les sorts. La vie gronde, débordante et tellement fière comme un grand fief. Face aux étrangers, leur méfiance d'habitant (de paysan, dirait-on en France) s'est transmise jusqu'à nos jours. Mais dès que l'on a gagné leur confiance, ils sont prêts à ouvrir leur coeur... et leur bourse même.
TEXTE ET PHOTOS À SUIVRE
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