Un ex-Premier ministre québécois
dénonce le "lâchage" par Nicolas Sarkozy
MONTRÉAL - L'ancien Premier ministre indépendantiste du Québec Jacques Parizeau dénonce vigoureusement, dans un livre publié lundi à Montréal, ce qu'il qualifie de "lâchage" de la province francophone par le président français Nicolas Sarkozy.
Dès la première phrase de son livre intitulé "La souveraineté du Québec, hier, aujourd'hui et demain", M. Parizeau reproche à Nicolas Sarkozy d'avoir affirmé "sa foi dans l'unité canadienne et son rejet de l'indépendance du Québec".
Il fait allusion, notamment, à des déclarations en faveur de l'unité du Canada et contre le "sectarisme", faites début février à Paris par le chef de l'Etat français.
Il y voit "un véritable scandale, quelque chose de littéralement insensé, une caricature des rapports de la politique et de l'argent".
Plus loin, il affirme que la position du président français s'explique essentiellement par ses liens avec le milliardaire canadien Paul Desmarais, fédéraliste convaincu, qui, dit-il, a "récupéré" Nicolas Sarkozy au moment où ce dernier "n'existait plus", ayant soutenu Edouard Balladur contre Jacques Chirac dans la course à la présidence de la République.
"Il faut lire les propos dithyrambiques avec lesquels le président français souligne les services que Paul Desmarais a rendus, non pas à la France, mais au nouveau président. La reconnaissance de l'un à l'égard de l'autre va complètement bouleverser la donne des rapports entre le Québec, la France et le Canada", écrit M. Parizeau, Premier ministre québécois de septembre 1994 à janvier 1996 et artisan du référendum du 30 octobre 1995 qui a rejeté par une faible marge le projet souverainiste.
"En quelques mois, le président Sarkozy, pour faire plaisir à son ami, va tellement en rajouter que le Premier ministre du Québec, tout fédéraliste qu'il soit, va être forcé de calmer le jeu et, au fond, de désavouer l'exubérant président", ajoute encore le dirigeant souverainiste, âgé aujourd'hui de 79 ans.
"Quant à Paul Desmarais, après sept pages d'entrevue dans l'hebdomadaire français le Point, il va revenir à sa place, celle qui consiste à tirer les ficelles sans faire de vagues", écrit-il.
Tout en qualifiant l'épisode d'"ahurissant", M. Parizeau l'explique aussi par les intérêts de la diplomatie et de l'économie de la France.
Il rappelle qu'au moment de ce qu'il appelle un "dérapage", la France présidait l'Union européenne et préparait une réunion du G-20 qui devait, selon M. Sarkozy, "aider à la +refondation+ du capitalisme".
"L'aide du Canada, membre du G8, lui serait d'une grande utilité. Cela vaut bien quelques coups de pied au Québec", écrit-il.
Il pense aussi que la France a intérêt à ménager Ottawa pour favoriser la pénétration de son industrie nucléaire, et notamment de la société publique AREVA, sur le marché canadien.
"Si aujourd'hui l'ouverture du marché chinois vaut bien la promesse de ne plus parler de l'indépendance du Tibet, à plus forte raison, la perspective de dizaines de milliards de dollars de contrats nucléaires vaut bien un appui senti à l'unité canadienne", ironise l'homme politique québécois qui reste néanmoins persuadé que la France continuera de jouer un rôle dans la cause des indépendantistes.
(©AFP / 16 novembre 2009 23h38)