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Les descendants n’oublient pas la rivière
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Les descendants n’oublient pas la rivière L’automne 1915 ne fut pas très chaud, les gelées matinales commencèrent dès le mois de septembre, les récoltes pénibles à faire, le froid et le vent rendaient le travail aux champs difficile, les champs n’avaient pas produit comme François avait l’habitude de connaître.
Enfin, la vie était devenue un peu plus difficile, surtout que la main d’œuvre familiale manquait. François se décida à engager un homme de ferme pour les aider lui et son fils à venir à bout de tout l’ouvrage extérieur et aussi, donner une chance à sa bonne Louisa qui ne venait plus à bout d’entretenir toute cette grande maison. Les nouvelles n’étaient pas toutes des meilleures. Dernièrement, son Beau-frère Angelbert était venu lui dire qu’il vendait sa propriété à une riche personne anglaise.
Les touristes et amants de la nature commençaient à trouver la rivière très attachante, pour peu que les finances le permettaient, les touristes de passage, faisaient un offre aux résidents plus vieux qui possédaient des maisons assez belles proche de l’eau.
C’est ainsi que le petit hameau vit arriver des gens des États-Unis ou du l’Ontario, intéressés par les sites enchanteurs de la Mauricie. Son meilleur ami qui avait une ferme et une très belle maison un peu plus haut au bord de la rivière venait aussi lui dire que son domaine était vendu.
Ces nouveaux arrivants, plus riches que la plupart des fermiers avaient aussi besoin de main-d’œuvre, les enfants des habitants et défricheurs allaient gagner quelque sous en dehors de la ferme.
La fondation de la ville de La Tuque apportait des travaux forestiers de toutes sortes, bucherons mesureurs de bois, cuisiniers de chantiers, draveurs sur les rivières pour le flottage du bois. Voir passer les billes de bois, attachées en « raft», ou descendant toutes seules au fil du courant ne dérangeait pas tellement les coupeurs de bois et surtout les Compagnies de papier venue s’installer à la fin du 19e siècle dans les villes du bas de la rivière St. Maurice.
Les cultivateurs n’y voyaient rien de mal non plus, l’eau descendait et elle apportait tout ce que nous ne voulions plus. L’eau nettoyait tout, c’est ce qu’on croyait anciennement. Il n’y avait que le feu qui nettoyait mieux et plus que l’eau.
La vie s’installait différemment, on était au commencement de la «Grande guerre», les mauvaises nouvelles arrivaient en retard par rapport aux grandes villes, mais elles arrivaient quand même, les gens étaient inquiets. La conscription pourrait leur enlever un neveu et aussi un fils si ce dernier n’était pas reconnu comme soutien de famille.
Cependant, à cause de la guerre l’économie du pays allait bon train. Certaines femmes trouvaient même des emplois dans des manufactures. Ce ne faisait pas partie des réalités de la petite paroisse mais les journaux en parlaient et ça faisait comme un vent de changement.
Les jupes avaient raccourcies aussi……… plus commode pour travailler. On n,’était pas encore rendu aux pantalons, mais les femmes changeaient de mentalité c’était certain.
Le bouleversement dans le monde ne fut oublié, en raison de ce qui arriva chez François. En entrant de travailler, dans le milieu de l’après-midi, il trouva sa bonne Louisa par terre, terrassée par une crise de paralysie. Dans le temps les gens ne parlaient pas d’accident cérébral vasculaire, on constatait seulement que la personne était encore vivante, mais qu’elle ne pouvait plus bouger. Ce fut très pénible.
Louisa dû garder le lit quelques années. Les filles étaient parties, mariées ou travaillant à l’extérieur, François dû se résigner d’avoir toujours une aide domestique pour les soins de la maison, tout ce que sa bonne Louisa faisait, il fallait que quelqu’un d’autre le fasse pour passer à travers, comme il disait. Il se remit donc à travailler plus fort et son fils aussi, l’aide fermier devait céder sa place à une femme de maison pour les soins de Louisa.
Aurèle, le fils cadet de François, le seul qui était resté sur la terre avec son père se mit lui aussi plus sérieusement à la tâche, il cessa de travailler au loin pour être à la maison tous les soirs pour aider son père. Louisa manquait pour une foule de choses, les hommes de la maison se rendirent compte qu’ils avaient du pain sur la planche, pas seulement au figuré, mais la vraie planche à pain.
Ils devaient faire le plus possible pour ne pas payer au-delà de ce qu’ils pouvaient pour les soins de Louisa. Ils durent voir aussi au travail du Bureau de Poste, la «Post Office» l’anglais ne laissait pas beaucoup place au français dans les choses fédérales. François prit la relève de sa femme dans le travail du courrier. On ne peut pas voir ce que ça voulait dire, mais tout ce que nous recevions de papier dans les maisons venait par la poste, les journaux, les nouvelles des familles, la plupart des vêtements étaient commandés par catalogues.
Une compagnie de Toronto avait fait les frais d’imprimer un catalogue que les gens recevaient par la poste, les catalogues arrivaient par la poste, un gros paquet qui était adressé au Maître de poste. Ce dernier devait en faire la distribution, aux personnes qui en faisaient la demande. Par la suite, les gens le recevaient à leur nom s’ils avaient commandé dedans.
Il ne fallait pas être pressé par exemple ça pouvait prendre un mois ou plus pour avoir ses produits. Le règne des catalogues fut tout un avancement pour les paroisses situées loin des grands centres.
Tous les matins, François portait le déjeuner à sa femme, il préparait ensuite les objets pour sa toilette, il respectait cette femme qu’il avait aimé comme lui –même, ne laissant les choses personnelles à personne autre que lui. Quand la bonne arrivait, elle avait tout proche pour la toilette et l’habillement de sa patronne qui n’était jamais ni plaignarde ni impatiente.
La chance dans ce malheur, la parole était restée bien fidèle à Louisa, elle pouvait demander et continuer de s’intéresser même de son lit aux choses de la maison. Les hommes pouvaient donc recourir à elle pour savoir comment faire ceci ou cela. Elle leur donna quelques années et mourut en 1919.
Les jours ne furent plus jamais les mêmes pour François. Il ne pourrait plus s’asseoir près du lit de sa bonne compagne pour jaser, pour passer quelques minutes encore avec cette femme qu’il avait tellement aimée, une personne effacée, qui l’avait soutenu dans ses projets et qui lui avait fait tellement confiance. Il continua de s’occuper de sa terre, Il prit plus soin de lui, allait souvent se passer quelques jours chez ses filles à la ville et chez son garçon Robert, qui vivait sur les bords de la rivière, n’ayant pu la quitter pour de bon.
Il resta le maître des lieux mais céda lentement sa place à son fils Aurèle qui avait exprimé le désir de reprendre la relève de son père.
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