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La " Foire aux panaches d'orignaux" de 1965 :
Le concours attire 725 chasseurs à Grand-Mère
Photo: la 5e Avenue et sa double haie de voitures empanachées
par Michel Cloutier Journal Québec Presse SHAWINIGAN, QUÉBEC — Les villes de la Vallée du Saint-Maurice se donnent du panache en saison de chasse. Surtout dans l'arrière-pays trifluvien (Trois-Rivières) avec sa "Foire aux panaches d'orignaux" du mois d'octobre qui remonte à 50 ans à Grand-Mère, aujourd'hui ville annexée à sa voisine, Shawinigan.
Étant donc partis chasser le gros gibier, les hommes laissent les femmes préparer seules la maison pour l'hiver. "Nous, les femmes, on est seules à mettre les chassis doubles. C'est un travail d'homme, mais que voulez-vous ! La chasse d'abord", vient rappeler Ida G.-Lebel de Grand-Mère, artiste-peintre et professeur de peinture.
La foire se poursuit de plus belle (le 31 octobre 2008) au complexe sportif (aréna) de Saint-Georges-de-Champlain, devenu un quartier du Shawinigan élargie.
TOMBÉS AU CHAMP D'HONNEUR
En 1965, l'événement sportif se déployait sur la 5e Avenue à Grand-Mère, attirant des milliers de personnes venues admirer la tête et les bois de ces rois de la forêt tombés au champ d'honneur.
Ce concours de trophées d'orignaux fait appel à tous les chasseurs non seulement de la Mauricie mais d'ailleurs. En fait, les participants proviennent de 47 localités du Québec. Pas de place pour les braconniers puisque les bois exposés doivent provenir d'un animal tué durant la période de la chasse.
Malheur à quiconque essaierait de renifler un panache vieux de deux ou trois ans. Les employés du Ministère sont là et ouvrent l'oeil... leur oeil de lynx!
C'est sous la patronage du sportif Gaston Boucher, d'un groupe d'hommes d'affaires et de l'équipe de biologistes du Ministère du Tourismes, de la Chasse et de la Pêche du Québec.
En ce mois d'octobre 1965, la saison de chasse fut médiocre en Mauricie. Il a plu, neigé et bien des chasseurs sont revenus bredouilles. Aussi, les juges n'eurent-ils à examiner que 150 bois de toutes dimensions, arrimés sur les capots des automobiles.
LA MESSE DES CHASSEURS
Voilà que cette année encore, la "Messe des chasseurs" vient célébrer et bénir les chasseurs dans l'église de Saint-Timothée d'Hérouxville, en Mauricie, au pays des "accommodements raisonnables". Ils sont plus de 500 chasseurs à se recueillir dans le temple, le temps d'une célébartion eucharistique présidée par Mgr Paul-Émile Landry.
 La liturgie du chasseur est méditée et devient un état de ressourcement pour les fidèles venus de partout dans la région. Atmosphère d'un pays forestier où le curé, encore écouté et respecté, prend les "rênes de l'initiative" et assume la pastorale qui va au-delà des apparences en évoluant vers une perspective spirituelle de la chasse puisée dans la nature sauvage. C'est à toucher le fond des coeurs de chaque chasseur.
Photo: Mgr Paul-Émile Landry fait son entrée... 

Et les heures après, le trappeur LÉO-PAUL BORDELEAU guette le gibier depuis sa cache sous les bois, quelque part dans l'environnement Tapez sur: Bordeleau Léo-Paul, Parolier, Sculpteur,Trappeur
— C'est le bonheur total !" s'exclame le chasseur, l'oeil aux aguets, réfugié dans sa cache. Isolé de tout regard et de tout bruit, le trappeur n'a rien contre les animaux. "La nature nous offre le surplus de bêtes qui peuplent nos forêts", explique-t-il, tranquillement. Car les bêtes sont dignes d'amour, ajoute-t-il.
PHOTO: BIEN INSTALLÉ DANS SA CACHE, IL S'OFFRE UNE VUE EN PLONGÉE DE LA CLAIRIÈRE.
Se réfugier ainsi tout entier dans sa cache, serait-ce une manie, un tic féroce de chasseur prisonnier de l'étroitesse des lieux, enfermé des heures et des heures à attendre que circule un orignal pour ouvrir le feu ?
Pas de tic chez Bordeleau le grand chasseur. Amoureux des lieux, il mobilise toute son attention. Et sa première marque d'intérêt est le silence absolu. "Il faut sacrifier la parole. Il faut rester silencieux", insiste-t-il. Le silence n'a pas de prix. Un silence entraînant, magnétique. Exactemement comme chez les moines, mais au monastère, le silence angélique prime (!) à faire rayonner la splendeur de la lumière intérieure de l'âme. Non que Bordeleau le grand chasseur ne soit nullement en amour avec l'Amour divin. Au contraire. Mais en ce moment, le silence enfiévré du trappeur s'introduit dans l'art de guetter la bête, d'observer sa proie. C'est un silence "sélectionné" pour des amours de choix, les orignaux dans la mire de son fusil. Le silence spirituel à devoir prêcher l'amour universel est également dans sa nature. Certainement à déclencher un mouvement d'amour autour d'une discussion entre amis.
Revenons à la cache : qu'importe les idées fixes ou les amours imaginaires qui se condamnent elles-mêmes. C'est entendu, le silence des bois doit fasciner son chasseur. Ne pas faire de bruit en mangeant sa pomme. Faut-il alors penser à compter les morceaux de viande qu'on mastiquera, du bon gibier allant de l'assiette à la bouche. C'est à dresser l'imagination comme de vrais exilés dans la solitude envahissante d'une île sous les Tropiques. Mais on est toujours au Québec !
— Tiens, tiens, ça bouge en câline dans le fourré. C'est mon heure!", se dit-il.
PHOTO: la cache du chasseur.
Mystérieux bruit digne d'un redressement d'oreilles. Un mouvement gracieux apparaît sur la piste. Un grand panache se profile, une aubaine merveilleuse. Le chasseur ne louche pas. Devenu nerveux, il tressaille, s'applique à pointer la cible. Une si belle bête ! Et faire mouche à l'instant. Mais il retient son geste, une femelle suit tendrement avec ses deux petits. La famille dans le sillage... à faire honneur aux animaux de la forêt. Héberlué, le chasseur hésite, la vie est-elle plus précieuse qu'un coup de feu à rendre les petits orphelins ?
Dans un soupir de résignation, il se déclare : "Je n'en reviens pas... mais je n'ai rien vu ni rien entendu! ". Dans ce code de l'honneur (au pays des accommodements raisonnables), la famille orignal est sauve et défile, fragile sous ses yeux. L'affaire est classée, et de bonne grâce dans la grandeur d'âme du chasseur. La vie devient plus forte que la mort. Une merveilleuse aventure. Mais l'amour est-il fait pour souffrir? "Un mal nécessaire?" se demande le chasseur.
En tout cas, Léo-Paul Bordeleau se souviendra longtemps de ce moment imprévu.
Attention à l'échelle !

Coucou! Amenez-vous... sans bruit.

Sur la piste du grand gibier.

Un ponceau parmi d'autres..

La liberté sous les bois...

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