Date 10/04/2009 00:00:00 | Sujet : CULTURE

Tentative de censure au Québec?


Revue de presse
Journal Québec Presse
MONTRÉAL —
Selon le site Regardswww.regards.fr ) la maison d'éditions montréalaise "Écosociété", serait victime de censure de la part de deux grandes sociétés minières et aurifères qui lui réclament 11 millions de dollars en dommages et intérêts devant les tribunaux québécois.

1111t117Cette maison d’édition québécoise a publié un livre
dénonçant les abus et les crimes commis en Afrique par les exploitants des matières premières.

Ces « poursuites-bâillons » sont des épées de Damoclès qui menacent les éditeurs courageux.

Reportage Signé Marion Rousset:



Une foule compacte est massée sur les marches du Palais de justice de Montréal. Certains mordent un bâillon rouge. Ils sont venus soutenir une maison d’édition québécoise, Ecosociété, poursuivie pour avoir jeté un pavé dans la mare du pouvoir. En publiant Noir Canada, l’enquête très fouillée d’Alain Denault sur les abus et les crimes qu’auraient commis des sociétés minières ou pétrolières canadiennes en Afrique, l’éditeur et l’auteur se sont exposés aux foudres de deux d’entre elles :

Barrick Gold et Banro. Lesquelles leur réclament 11 millions de dollars. Largement de quoi couler Ecosociété.

« 11 millions de dollars pour avoir fait quoi ? »
, s’interroge Alain Denault devant les associations, les représentants de Québec Solidaire et du Parti Québécois, quelques universitaires et autres citoyens rassemblés en cette froide matinée de mars.


PILLAGES, CORRUPTION...


111111belisle4.preview_400« Il existe dans le monde une abondance de sources critiques et de documents circonstanciés sur [des affaires] de pillage institutionnalisé, projets destructeurs pour

Photo: sur les marches du Palais de justice de Montréal.

l’environnement financés à partir des fonds publics, négligence industrielle et atteinte grave à la santé des peuples, expropriations violentes voire meurtrières, corruption, évasion fiscale, collusion avec des seigneurs de guerre… »

Il est usé. En privé, le chercheur confie :
« Je ne donne plus de cours, je n’écris plus d’article, je ne participe plus à des colloques. » Toute l’équipe a les traits tirés, l’angoisse est palpable, la suspicion aussi. « On est sous très haute surveillance », affirme l’éditeur Guy Cheyney qui prévient : « Si on perd un des deux procès, on est fini. »


ALTERMONDIALISTE


Les 60 000 dollars qu’ils ont reçus en dons ne suffiront pas à les sauver. « Ces procédures peuvent nous tuer avant même qu’on aille jusqu’au procès », enchaîne sa collègue Elodie Comtois.


Ils ont une cohérence éditoriale et quelques leitmotiv : écologie, simplicité volontaire, consommation responsable, altermondialisme, mouvements sociaux… Ecosociété est aussi l’éditeur de Françoise David, militante féministe connue sur le territoire et fondatrice d’un jeune parti de gauche de gauche, Québec Solidaire.

« Ce sont les premiers à avoir édité Chomsky en français »
, rappelle par ailleurs son confrère Claude Rioux, des éditions Lux, rencontré dans un café morne de Montréal à l’occasion de la sortie d’un livre.


Les deux maisons se sont associées à une troisième, Remue Ménage, pour créer une structure commune de diffusion, organiser des rencontres dans les collèges, les universités, les librairies.

Lux est branché sur l’histoire politique, notamment américaine, avec les Mémoires d’un esclave, de Frédérick Douglass, et Une histoire populaire des Etats-Unis, de Howard Zinn.

En 2005, ils ont publié un livre intitulé Petit cours d’autodéfense intellectuelle, de Normand Baillargeon : « Il s’est vendu à 40 000 exemplaires en France. C’est un des livres qui font vivre la maison. Il nous assure l’indépendance pour des années. » A moins d’un démêlé judiciaire, une de ces invraisemblables « poursuites-bâillons » qui peuvent bien faire tomber même des sociétés en bonne santé. M.R.



Soutenir Ecosociété sur
http://slapp.ecosociete.org


Écosociété demande toutes les formes d’appui possible pour mener ce combat de David contre Goliath.


Pour nous aider à poursuivre notre lutte, vous pouvez :



 

Les sociétés minières canadiennes Barrick Gold et Banro poursuivent les Éditions Écosociété ainsi que les trois auteurs de Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique pour diffamation. Montant total exigé : 11 millions de $ canadiens.


Écosociété demande toutes les formes d’appui possible pour mener ce combat de David contre Goliath.

Pour nous aider à poursuivre notre lutte, vous pouvez :


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Les deux multinationales reprochent à l’éditeur et aux auteurs de Noir Canada - Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher - d’avoir cité et analysé des documents pourtant réputés crédibles et déjà disponibles dans la sphère publique.

Ces poursuites-bâillons, ou SLAPP*, sont une lourde menace pour le droit à l’information, pour la liberté d’expression et donc pour la démocratie. Nous refusons de nous faire museler et entendons poursuivre notre travail d’éditeur engagé.


L’Afrique s’enlise dans la pauvreté tandis que sociétés minières, pétrolières et autres industries canadiennes s’y enrichissent infiniment. Des documents fouillés provenant de sources d’information internationales fiables et crédibles font état de dévastation environnementale, de pillage systémique, de corruption, de collusion avec des potentats locaux, seigneurs de guerre ou dictateurs…

Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique est la synthèse et l'analyse de ces travaux. Il porte aussi sur le soutien dont bénéficient parfois ces sociétés de la part du gouvernement canadien. Le débat que ce livre veut rendre public est d'autant plus légitime que les actifs des Canadiens (fonds de retraite, REER, fonds publics) sont souvent indirectement investis dans ces sociétés via la Bourse de Toronto.



En réponse à la publication de Noir Canada, Barrick Gold, plus grosse compagnie aurifère au monde, réclame 5 millions $ pour dommages moraux compensatoires, ainsi qu’un million à titre de dommages punitifs. Cela représente 25 fois le chiffre d’affaires annuel d’Écosociété.


Face à la Banro, qui réclame pour sa part 5 millions de $, les auteurs et l’éditeur de Noir Canada devront à présent se défendre devant les tribunaux ontariens, selon les procédures d’un autre code de loi et dans une langue qui n’est pas la leur.

Nous considérons que ces poursuites abusives font en sorte d’empêcher le débat public, et qu’elles sont donc une nuisance pour la démocratie.


*Acronyme anglais de Strategic lawsuit against public participation


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Il y a longtemps qu'on a vu pareil combat: la plus importante compagnie aurifère au monde, Barrick Gold, poursuit une toute petite maison d'édition québécoise, les Éditions Écosociété, pour six millions de dollars. Le motif: Noir Canada, un livre lancé depuis moins d'une semaine, répandrait des faussetés au sujet de la multinationale.

Il y a deux semaines, la compagnie avait menacé la maison d'édition d'entreprendre une telle poursuite si elle ne retirait pas certaines allégations. Les Éditions Écosociété ont décidé d'aller quand même de l'avant... avec le résultat que l'on sait.

Il sera fort intéressant de suivre cette affaire qui soulève plusieurs enjeux importants. En partant, la disproportion des moyens disponibles de chaque côté ne saurait être plus grande. Il s'agit donc d'un combat à armes inégales. Pour avoir déjà été impliqué dans un litige commercial avec une filiale de Québecor, je peux témoigner de l'inconfort d'une pareille situation. Dans le cas de Barrick Gold, la poursuite est sérieuse et pourrait faire fermer la maison d'édition en plus de mettre carrément des gens sur la paille.

La question de fond est cependant la véracité des allégations contenues dans Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique. Peut-on simplement répéter des faussetés en se justifiant qu'on ne fait que citer d'autres sources? À mon sens, la recherche de la vérité impose quelque prudence si on ne dispose pas de preuves solides.

On peut voir le tableau sans même avoir lu le livre: des mineurs africains travaillant à leur propre compte dans des conditions d'insécurité hallucinantes sont délogés par une multinationale qui a conclu une entente avec les dirigeants du pays. Étant donné que l'État est véritablement le seul moyen de s'enrichir en Afrique, on peut soupçonner que les politiciens n'ont pas signé d'entente sans contrepartie pour eux-mêmes. C'est malheureusement ainsi que les choses se font en Afrique. Alors les mineurs se font déloger et ne reçoivent rien ou si peu pour la perte de leur gagne-pain. Voilà le portrait.

Que s'est-il passé véritablement sur le terrain? C'est un des enjeux de la poursuite actuelle. Une nouvelle de Radio-Canada, Controverse autour de Noir Canada, a fait le 15 avril un bon tour d'horizon du sujet.

Chose certaine, on aurait moins parlé de ce livre si Barrick Gold n'avait pas mis sa menace à exécution. Comme stratégie de relations publiques, je ne suis pas certain qu'il s'agit d'un bon choix. Par contre, Barrick a déjà poursuivi un journal anglais, en l'an 2000, pour les mêmes allégations et a gagné sa cause. Le montant résultant de la poursuite avait été versé à un organisme de charité.

Je vais me procurer le bouquin de 350 pages et essayer de me faire une idée par moi-même.

Entretemps, voici quelques sources d'information complémentaires.

Site d'information sur la mine Balyanhulu. Dans ce site à usage professionnel et de relations publiques, Barrick Gold a l'air d'être un citoyen corporatif modèle.

Protest Barrick. Un site qui sert de portail aux groupes surveillant les activités minières dans le monde, particulièrement celles de Barrick Gold. Articles, témoignagnes et mise en contexte des opérations mondiales de Barrick. Très bien fait.

Barrick's Dirty Secrets: Communities Respond to Gold Mining's Impacts Worldwide. Un rapport publié le 1er mai 2007, à l'occasion de la journée internationale de protestation contre Barrick.

Et un morceau de choix.
Report of the International NGO Fact-Finding Mission to Tanzania. Le moins qu'on puisse dire, c'est de répéter qu'une enquête indépendante serait une bonne idée.





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